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La revanche des filles sur les garçons

Par Li Na et de Shuang Rui pour le service magazine de l’agence de presse Xinhua News Agency, China Features.(China Daily) 25-11-2016

La revanche des filles sur les garçons

Une infirmière changeant les vêtements des bébés dans un hôpital de la ville de Xiangyang, dans la province du Hubei, en février dernier. De nombreux nouveaux nés sont le deuxième enfant de leurs parents. [Gong Bo/For China Daily]

En nombre croissant, les parents rejettent la tradition et tentent de faire en sorte que leur deuxième enfant soit du sexe féminin.

Liu Min était paisiblement allongée sur le lit, contemplant son nouveau né – un second fils. Malgré sa joie, elle éprouvait le sentiment d’avoir subi une perte – car elle n’avait pas réussi à avoir une fille.

Il y a quatre ans, Liu Min, une Pékinoise de 31 ans, a donné naissance à son premier fils. Pour s’occuper de lui, elle a démissionné de son emploi dans le service juridique d’une compagnie d’assurance, sacrifiant un salaire annuel de 200 000 yuan (26 700 euros).

Quand la politique de l’enfant unique a été abandonnée l’an dernier, Min et son époux ont décidé d’avoir un autre enfant. Ce fut un autre garçon. « Bien que le fait d’avoir un deuxième enfant ait rendu notre vie plus difficile et plus tendue, nous voulons toujours avoir une fille », affirme la jeune maman.

Si son « obsession » d’avoir une fille est « un défi à l’idéologie patriarcale » de ses parents, les pressions de la vie moderne sont pour elle un plus grand souci. « À Pékin, le prix moyen d’un logement peut atteindre entre 5 et 10 millions de yuan (entre 668 408 euros et 1,33 million). Je m’inquiète du coût de l’éducation, des frais de mariage et de logement pour mes garçons à l’avenir », explique-t-elle.

Liu Min est née en 1985 à Ding’an, un comté du Hainan, la province la plus méridionale de la Chine. Elle était la quatrième fille de la famille. On lui donna, bébé, le nom de Zhao Di, qui veut dire « amenant un petit frère » car, dit-elle, « mes parents voulaient en particulier un fils (la prochaine fois) ».

Quand elle avait deux ans, ses parents eurent un cinquième enfant – un garçon. « Quand mon frère est né, ma famille a invité tous nos parents et voisins pour une fête. Nous avons allumé des pétards toute la journée. Dans l’esprit traditionnel des gens de ma ville natale, seuls les garçons peuvent assurer la continuité de la lignée familiale ».

Du fait que les parents de Liu Min avaient plus d’enfants que ne le permettait la politique de planification des naissances, ils eurent une lourde amende à payer. « Nous vivions dans des conditions de restriction. Parfois, mes sœurs et moi-même n’avions à manger qu’un bol de porridge de toute la journée », se souvient-elle.

À la fin des années 1970, dans le but de ralentir la croissance démographique selon les ressources publiques disponibles, la politique de l’enfant unique fut strictement appliquée, surtout auprès de la population urbaine. Cette initiative, adoptée comme politique nationale de base en 1982, acquit finalement la force du droit en 2001 avec la promulgation de la Loi sur la population et la planification familiale de la République populaire de Chine.

Cependant, dans une société en grande partie agraire, de nombreuses familles étaient encore sous l’influence de la tradition consistant à prolonger la lignée familiale et à élever des enfants pour subvenir aux besoins de leurs parents pendant leurs vieux jours. Et nombreuses furent les familles qui perdirent tout après avoir eu à payer des amendes pour avoir eu plus d’enfants que ne le stipulait la politique.

Le problème a été aggravé par le déclin rapide de la proportion des filles par rapport aux garçons. En 1982, le rapport était de 107 garçons pour 100 filles, et en 2004, il était passé à 121,2 pour 100 filles. L’an dernier, on recensait 113,5 garçons pour 100 filles, encore loin du rapport optimal de 103 pour 107, selon le Bureau national de la statistique.

Le déséquilibre entre les sexes s’est traduit par un excès d’hommes célibataires d’âge nubile dans certaines régions, en particulier dans les zones rurales pauvres. Au début de l’année, on signala que le nombre insuffisant de filles à marier dans la province centrale du Henan entraînait une surenchère frénétique sur les « cadeaux de fiançailles » offerts aux futures épouses.

Il y a environ huit ans, le marié dépensait 10 000 yuan (1 337 euros) en cadeaux pour la famille de la mariée, selon un cadre de la province. Aujourd’hui, cette somme est multipliée par 10.

« Au lieu de s’en tenir à la tradition de ‘plus on a de fils, plus on a de bienfaits’, la plupart des gens de ma génération se contentent d’avoir un fils et une fille si possible », dit Wang You, un habitant du village de Liulin dans le comté de Gushi, province du Henan. Ce villageois et son épouse ont déjà un fils et envisagent d’avoir aussi une fille.

À l’inverse, Xuan Xuan, une mère de 28 ans et son mari espèrent avoir un fils. Ils ont déjà une fille de deux ans. Pour sa deuxième conception, la jeune femme, une thérapeute traditionnelle, a recherché sur l’Internet des prescriptions populaires qui l’ont conduite à remplacer les boissons gazeuses préférées de son mari par de l’eau de Seltz qui, croit-elle, a la capacité de régulariser le milieu acide et alcalin de l’organisme et d’améliorer les chances de concevoir un garçon.

« Si le deuxième bébé est une fille, je lui donnerai quand même le jour du moment qu’elle est en bonne santé », dit la jeune mère. « Mais auparavant, nous devons essayer tout ce que nous pouvons ».

En 2003, la Commission de la planification familiale, le ministère de la Santé et l’Office public de contrôle des produits alimentaires et pharmaceutiques ont publié conjointement les Dispositions sur l’interdiction de connaître le sexe d’un fœtus pour tout besoin non médical et la terminaison artificielle d’une grossesse liée à une préférence concernant le sexe, ce qui revient en réalité à interdire l’avortement pratiqué en fonction du sexe du fœtus.

Mais aujourd’hui, de nombreux parents veulent connaître le sexe de leur bébé avant la naissance. En 2014, les autorités dans certains endroits du Henan et de la province du Jiangsu ont commencé à sévir contre les tentatives de connaître le sexe des enfants à naître et contre les avortements pratiqués pour des raisons non médicales.

La mesure était destinée à rééquilibrer le rapport entre les sexes à la naissance. Les autorités ont stipulé que les parents qui avaient l’autorisation d’avoir deux enfants, mais qui choisissaient l’avortement en raison de leur préférence concernant le sexe de l’enfant, verraient leur autorisation résiliée.

En février dernier, le site Web d’une maternité consulté par 10 millions de personnes a posé la question suivante dans le cadre d’une enquête : « Choisiriez-vous d’avorter si le sexe de votre fœtus n’était pas ce que vous vouliez ? ». Plus de 90% des 1 000 mères ayant répondu ont déclaré : « J’accepterais mon sort quel qu’il soit ».

La revanche des filles sur les garçons

Un garçon tend la main pour toucher le visage de sa petite sœur à Wuhan, dans la province du Hubei. [Kun Shao/China Daily]

La revanche des filles sur les garçons

Moment de gaieté entre une fille, son père et son frère à Xi’an, la capitale de la province du Shaanxi. [Chen Feibo/For China Daily] 

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