[Liang Luwen/for China Daily]
La vie est comme une boîte de chocolats, dit-on, ou peut-être une boîte de livres envoyés par la Librairie Avant-Garde de Nanjing, dans la province du Jiangsu.
« Laissez-nous juste un message et expliquez comme vous voulez ce que vous recherchez, nous choisirons les bons livres pour vous », dit la page Web « blind pick » (la pioche à l’aveugle) du magasin sur le site Taobao, la plus grande plateforme commerciale chinoise en ligne.
Le magasin promet qu’avec 88 yuan (11 euros), un acheteur peut avoir au moins deux livres choisis par le personnel et une carte postale confectionnée par la librairie avec ou sans quelques mots écrits à la main par un employé.
C’est une sorte de puzzle pour le personnel qui sélectionne les livres au magasin et une forme de divination pour les clients, qui ne peuvent savoir avec certitude quels ouvrages ils recevront. Nombreux sont les acheteurs qui s’attendent à une bonne surprise, ou les gens qui peuvent les comprendre exactement. Certains disent affectionner ce genre d’interaction au-delà de l’activité elle-même. D’autres disent juste vouloir les cartes postales assorties d’un mot écrit à la main de la part de la librairie.
C’est semblable à un rendez-vous arrangé : vous ne savez rien de l’autre personne avant de vous retrouver face à face avec elle, sauf qu’il est possible que vous ayez – ou que vous n’ayez pas – les mêmes goûts.
« La pioche à l’aveugle a commencé en 2014, avant mon transfert au service commercial en ligne, et elle a été en partie inspirée par le livre 84, Charing Cross Road », indique Lyu Kai, 25 ans, qui est responsable du commerce en ligne de la librairie depuis 2016.
84, Charing Cross Road est une petite collection de 29 lettres échangées entre une rédactrice indépendante, Helene Hanff, qui vivait à New York, et Frank Doel, qui tenait une librairie au 84, Charing Cross Road à Londres. Pendant 20 ans, la première a écrit au second en lui disant quels genres de livres elle souhaitait et Frank Doel choisissait des ouvrages qu’il lui envoyait à New York. Ils ne se sont jamais rencontrés, mais ils entretenaient des rapports très amicaux.
Les deux premières années, le service offert par la librairie chinoise n’a pas attiré une grande attention. En 2016, quand Lyu Kai a rejoint l’équipe du commerce en ligne, celle-ci enregistrait trois ou quatre commandes par jour et le personnel avait suffisamment de temps pour analyser les messages des acheteurs – certains étant si ardus qu’ils mobilisaient quatre ou cinq employés.
Lyu Kai se souvient des paroles d’un collègue concernant la vente des livres : notre boulot est de choisir le bon bouquin pour quelqu’un et la bonne personne pour un bouquin. « C’est ce que je considère être mon travail et c’est pourquoi j’ai décidé de me consacrer plus énergiquement au service de la pioche à l’aveugle en en faisant la promotion sur notre micro-blogue et en le mettant sur la première page de notre boutique en ligne », explique-t-il.
En mars, les commandes se sont soudain envolées, passant de 8 à environ 80 par jour, « parce que certains acheteurs étaient extrêmement satisfaits des livres que nous avions choisis, si bien qu’ils postaient un message à ce sujet sur leur micro-blogue et nombre de leurs abonnés découvraient ainsi le service », poursuit-il. Après le reflux de l’engouement initial, le nombre de commandes est retombé à une vingtaine ou une trentaine par jour.
Mais le service a connu un regain de popularité en septembre, où environ 70 à 100 commandes journalières ont été reçues et le 10 octobre, elles ont atteint le chiffre record de 4 000. La raison tient au fait que Taobao avait choisi de présenter ce service comme un produit de qualité recommandé aux acheteurs qui aiment rechercher les livres qu’ils veulent lire.
« Les commandes étaient si nombreuses que nous avons dû fermer le service en ligne momentanément car nous avions besoin de temps pour traiter les arriérés de commandes, autrement, les messages risquaient d’être mal interprétés ou les livres d’un acheteur d’être envoyés à un autre client par erreur », précise Lyu Kai en ajoutant qu’une aide des autres services était nécessaire.
Maintenant que les commandes sont limitées à 100 par jour, elles s’arrachent en une minute. Certains acheteurs, nourrissant de grands espoirs quant au caractère spécial des livres, expriment leur déception, se plaignant en ligne que la librairie n’utilise ce service que pour vendre des ouvrages invendables, que le personnel ne comprend pas le sens des messages qu’ils envoient ou que les livres adressés en retour étaient médiocres.
Mais Lyu Kai a tout prévu : « si un client n’est pas satisfait, nous essayons de lui parler et d’expliquer les raisons de nos choix ».