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Une femme, son parfum et son temps

Par Zhao Xu(China Daily) 25-05-2018

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Une femme, son parfum et son temps

Peinture de la Chine du 17ème siècle représentant une dame avec un brûleur d’encens en forme de canard et la cage à encens qui l'accompagne sous sa longue jupe. [Provided by Shanghai Museum]

L'ancienne Route de la soie a exercé une profonde influence sur la Chine de la dynastie Tang, en l'ouvrant au monde. Ses senteurs font l'objet d'une exposition parisienne.

Imaginons une aristocrate vivant à l'époque de la dynastie Tang (618-907) il y a plus d'un millénaire. D'une beauté exubérante, elle arbore une touffe de cheveux luxuriante qui descend en spirale de sa couronne de tête telle un mollusque d'eau douce. Vêtue d'une robe au décolleté révélateur et au lustre soyeux qui accentue son charme fastueux, elle est séduisante et sensuelle, pleinement consciente, à n'en pas douter, de l'attrait qu'elle exerce.

Elle cherche à amplifier son charme, en se fondant notamment dans une senteur aromatique qui, bien que son origine se situe sur des terres lointaines, est devenue le parfum de l'époque. Puissant et hypnotisant, l'arôme non seulement ajoute une pointe de séduction à l'indolence de cette dame très pomponnée, mais il propose aussi une métaphore pour une ère de l'histoire de la Chine associée aux prouesses du pays en matière d'édification de la nation et de diplomatie.

Le musée du Temple Famen, à environ 110 kilomètres de l'actuel Xi'an – le nom du temple signifie « un passage vers la terre de bouddhisme » – fut jadis le lieu de culte des chefs Tang. Son directeur, Jiang Jie, explique : « Pour celles et ceux qui sont au courant, cette image typique d'une dame de la cour Tang est en elle-même le reflet des échanges entre la Chine et les terres qui s'étendent à l'ouest du pays, grâce à la voie qui s'y prolonge et est aujourd'hui connue sous le nom de la Route de la soie.

Le parfum était obtenu en brûlant des épices qui venaient tout droit de contrées lointaines telles que les steppes eurasiennes, le sous-continent indien et le rivage de la mer d'Oman. Ce procédé, qui nourrissait un désir romantique, avait aussi un côté pratique : l'odeur était assez forte pour éloigner les insectes, notamment les moustiques, ce qui, pour les dames exposant fièrement leur peau glaciale au soleil d'une chaude journée d'été, leur évitait de perdre leur placidité à la suite d'une morsure tenaillante.

C'est très important, car les spécialistes du climat pensent désormais que la dynastie Tang, en particulier sa première moitié entre le début du septième siècle et la moitié du neuvième, a connu une augmentation générale des températures qui, avec le recul, a favorisé la propension de la société à se vêtir légèrement et à parfumer les odeurs ».

Il est jusqu'au sens de la mode de l'époque, marqué par une audace dont le degré n'a été répété par aucune dynastie chinoise subséquente, qui a été formé en partie sous cette influence de l'ouest, selon M. Jiang. « Il semble que le vent chaud soufflant depuis le désert de Gobi et au-delà a atteint et chatouillé le cœur de l'empire chinois ».

Une femme, son parfum et son temps

Brûleur d'encens en forme de tortue de la dynastie Tang, prêtée par le musée du Temple Famen. [Provided by Famen Temple Museum]

S'étendant sur de vastes régions de l'Eurasie dans la Mongolie d'aujourd'hui et la Chine du nord-ouest, le désert de Gobi, qui paraît ne jamais finir, veillait sur l'ancienne Route de la soie qui le traversait. La route elle-même avait été ouverte par un homme du nom de Zhang Qian qui, agissant en tant qu'émissaire de l'Empereur Wudi (156-87 avant notre ère) de la dynastie Han (206 avant notre ère-220 de notre ère), avait entamé son voyage vers l'ouest au départ de la ville de Chang'an, la capitale Han, en 139 av. n-è. À son retour en 126 av. n-è., Zhang Qian avait rapporté avec lui la connaissance d'une nouvelle route qui pouvait mener vers des alliés militaires, des partenaires commerciaux et, avec un peu de chance, des admirateurs.

Au cours du millénaire suivant, la route baptisée d'après la soie de Chine, le produit le plus célèbre du pays, fut explorée par des ambitieux et des aventuriers des deux côtés, jusqu'à ce qu'elle devienne un réseau de transport pleinement développé à travers l'Eurasie. L'empire chinois était à l'une des extrémités, à l'autre se situaient les pays méditerranéens et Rome. La route, d'où un nombre non négligeable d'embranchements conduisaient aux régions environnantes, passait par toutes sortes de reliefs et de cultures différentes.

La circulation sur la route connut son apogée avec l'essor de l'empire Tang, qui mit durablement fin aux quatre siècles de guerre et de fragmentation qui le séparaient de son prédécesseur d'une égale grandeur, l'empire des Han. Les deux périodes dorées de l'histoire de la Chine se renvoient la même image, pour ce qui est de la fortune sociale et de la confiance ainsi que du désir qui en résulte, de connaître et d'être connu.

« Les premiers souverains des Tang… ont tenté de réduire le degré de luxe qu'ils s'autorisaient à eux-mêmes et à la société en général », relate M. Jiang. « Mais quand l'immense fortune sociale s'est rapidement mise à s'accumuler, et quand les triomphes militaires ont repoussé les frontières de l'empire vers l'extérieur, renforçant d'autant plus la sécurité sur la portion chinoise de la Route de la soie, les choses ont commencé à prendre une allure hédoniste. La demande en épices s'est de nouveau envolée. Les gens s'asseyaient autour de tables tout en long sur lesquelles étaient placés de gros brûleurs d'encens ».

La plupart des épices étaient transformées en bouffées de fumée bénite pendant les activités religieuses dans les temples bouddhistes, notamment le Temple Famen. En revanche, une partie des quelques recettes restantes pour le mélange de senteurs remontant à cette époque peuvent être retrouvées aujourd'hui dans les écrits bouddhistes de la même période.

On a un aperçu de la vitalité de ces échanges commerciaux et culturels dans les vers suivants du poète Nie Yizhong (837-884) de la dynastie Tang : « Aucun cheval ne s'arrête pour se reposer/Et aucune nuit ne se passe sans que le bruit des roues n'envahisse l'oreille/Il y a moins d'herbes sous le pied/Que de grains de poussière sur les vêtements ».

Une exposition, intitulée Parfums de Chine, la culture de l'encens au temps des empereurs, est à l'affiche du musée Cernuschi à Paris jusqu'en août. Des peintures anciennes, des brûleurs d'encens (ou brûle-parfums), des bronzes et des spécimens d'épices sont présentés dans le cadre de cette exposition qui est le fruit d'une collaboration entre le musée français et le musée de Shanghai.

Une femme, son parfum et son temps

Spécimens d'épices anciennes présentées au musée Cernuschi à Paris, dans le cadre d'une exposition intitulée « Parfums de Chine ». [Provide by Shanghai Museum]

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L'exposition « Parfums de Chine » au musée Cernuschi.[Provide by Shanghai Museum]

Une femme, son parfum et son temps

Marchand sogdien de porcelaine et son cheval. [Yu Jing/China News Service]

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