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Le « thé fusion » fait la conquête des jeunes

Par Ren Xiaojin et Jing Shuiyu(China Daily) 29-06-2018

Le « thé fusion » fait la conquête des jeunes

Files d'attente dans une boutique Hey Tea de la Place du Peuple à Shanghai. [Wang Gang/for China Daily]

Avec des additifs tels que le fromage, la glace, voire le café, le breuvage traditionnel des Chinois est devenu de nos jours une affaire juteuse.

Il est probable que pour de nombreux Chinois, les plus grands buveurs de thé au monde se situent dans leur pays, où cette boisson correspond à une culture remontant à des milliers d'années. Certes, la Chine vient en tête de la quantité mondiale de thé consommé, mais pour ce qui est de la consommation de thé annuelle par habitant, elle ne figure même pas parmi les 20 premiers pays, selon un rapport du quotidien londonien The Daily Telegraph.

En effet, les cafés sont beaucoup plus répandus que les maisons de thé dans les villes chinoises de première catégorie. L'image d'une dégustation de thé dans une tasse en porcelaine, sur une table spéciale sculptée à partir de la racine d'un arbre, fait aujourd'hui figure de présentation désuète de l'ancestrale culture du thé en Chine.

Mais cela ne veut pas dire que les jeunes Chinois ont cessé de boire du thé. Au contraire, depuis l'an dernier, la consommation de thé est devenue une affaire très lucrative, qui attire des investisseurs enthousiastes tels que IDG China, mais pas selon un mode traditionnel.

Contrairement aux anciens, dont beaucoup affectionnent de passer par huit étapes pour faire infuser une tasse de thé, les jeunes ont transformé le secteur en un commerce de produits sur commande et à emporter. Les parfums ne sont plus concentrés sur le goût d'origine des feuilles de thé, mais il vous en est proposé toutes sortes de variétés : thé fruité, thé aux perles de tapioca, panaché café-thé, thé glacé infusé à l'eau de coco, thé nappé d'une mousse de fromage frais et intégré à trois boules de glace au chocolat – on trouve tout ce qu'on veut en Chine.

Selon Euromonitor, un cabinet-conseil international, 70,3 millions de litres de thé chaud et 15,2 millions de litres de thé glacé ont été vendus en Chine en 2016, ce qui en fait le premier marché au monde. Un marché qui présente un potentiel de poursuite de la croissance.

Kantar Worldpanel, qui réunit des tables rondes de consommateurs, a déterminé que les citadins chinois âgés de 15 à 45 ans achetaient chaque année 14,3 tasses de thé fraîchement infusé à un prix moyen de 15,2 yuan (2 euros), ce qui représente un marché de 97,8 milliards de yuan.

« Le thé traditionnel ne peut plus satisfaire la demande des jeunes consommateurs chinois nés après les années 1980 », dit Xu Rongcong, un analyste de la firme financière China Merchants Securities. « C'est l'époque des boissons inventives autour du ‘thé fusion', comme le thé au fromage ».

Au cours des trois premiers trimestres de l'an dernier, la vente de boissons de thé fraîchement infusé dans les villes de première catégorie a augmenté de 19% en année glissante, selon China Merchants Securities.

L'une des boutiques de thé représentatives de ce phénomène sur lesquelles s'est penché M. Xu appartient à Hey Tea, une maison de Guangdong spécialisée dans le thé nappé d'une garniture salée au fromage. Quelques mois après l'ouverture, l'an dernier, d'une annexe de Hey Tea dans le quartier en vogue de Sanlitun à Pékin, elle était devenue le lieu de prédilection où se montrer, où des stars de l'Internet font la queue pendant des heures pour une tasse de thé et transmettent en direct des images d'elles-mêmes en train de la boire. La demande est telle que de nombreuses personnes sont prêtes à payer des revendeurs trois fois le prix d'une tasse thé pour éviter l'attente.

Hey Tea a collaboré avec des stylistes de mode locaux pendant la « Fashion Week » printemps-été de Shanghai l'an dernier, en invitant cinq créateurs chinois à concevoir plusieurs tasses différentes. La maison a obtenu des investissements à hauteur de 100 millions de yuan en 2016 et a récemment annoncé avoir pour projet de solliciter auprès de IDG China 400 millions de yuan supplémentaires. Elle a ouvert plus de 80 boutiques dans toute la Chine, principalement dans les quartiers des affaires des villes de première et de deuxième catégories. Elle prévoit d'en ouvrir 100 de plus après son deuxième tour de table.

Les acheteurs de thé « nouvelles formules » ne cherchent pas seulement à assouvir leur soif : ils sont également attirés par la valeur sociale et le côté détente qui s'attachent au breuvage, commente dans une note de recherche Zhou Yu, analyste en chef du secteur distribution chez CITIC Securities. Le nouveau thé chinois « coïncide avec les nouveaux styles de vie et le sentiment d'identité que recherche le groupe des jeunes consommateurs. C'est aussi un label mode ».

Deux autres maisons nationales, InWe Cha et Tea of Naixue, ont de leur côté obtenu des investissements respectifs de 500 et de 100 millions de yuan, la première auprès de Liu Qiangdong, président de JD Group, et la seconde auprès de Tiantu Capital.

Outre qu'ils consomment une gamme de parfums et d'ingrédients plus large que leurs aînés, les plus jeunes buveurs de thé chinois préfèrent le style « commander et emporter », plutôt que de passer des heures dans un salon de thé. Et ça aussi, c'est bon pour les affaires.

« Le commerce actuel du thé ne requiert pas la fourniture d'un espace de qualité, et il constitue la priorité des consommateurs quand ils font les magasins ou sont en voyage », dit M. Xu. « Une boutique Hey Tea peut vendre plus de 2 000 tasses par jour, pour des recettes mensuelles dépassant 1 million de yuan ».

Le « thé fusion » est une tendance qui attire aussi les investisseurs étrangers : ils apportent la philosophie occidentale de la désintoxication par le thé à des consommateurs chinois de plus en plus ouverts d'esprit.

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