Ce kiosque à journaux dans le district de Chaoyang à Pékin est l’un des seuls qui restent dans la ville. De nombreux kiosques ont fermé en raison d’une baisse de la demande en journaux et magazine. [Wang Jing/China Daily]
La technologie moderne met en péril les kiosques à journaux.
S’arrêtant dernièrement, un dimanche, devant un kiosque à journaux près de chez lui à Pékin pour acheter un magazine, Zhang Fan a eu la surprise de trouver porte close pour fermeture définitive.
M. Zhang, un concepteur de 33 ans vivant dans le district de Chaoyang, avait coutume de se rendre au kiosque situé à 500 mètres de son quartier résidentiel pour se procurer divers journaux et magazines. Mais depuis qu’il a commencé à consulter les informations et d’autre matière à lecture sur son téléphone, il peut compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où il s’était rendu au kiosque au cours de l’année passée. Il n’avait même pas remarqué qu’il était fermé depuis plusieurs mois.
Devant la baisse de la demande en matière de journaux et de magazines, de nombreuses villes enregistrent des fermetures de kiosques, auxquels on reproche aussi d’être des obstacles sur la chaussée et les trottoirs, tout en constituant généralement des verrues dans le paysage.
La municipalité de Pékin a décidé de moderniser et réglementer les kiosques à journaux de la ville pour les transformer en « espaces de lecture novateurs » et en « prestataires de services de proximité » pour mieux répondre aux besoins du public.
Li Zhigang, un quadragénaire originaire de la province de l’Anhui, exploite un autre kiosque également situé à Chaoyang. « Je n’ai reçu aucun avis de fermeture, mais j’ai remarqué que la plupart des kiosques à l’intérieur du second périphérique avaient été démantelés cette année », disait-il lors d’un entretien l’an dernier. « Je ne connais pas la nouvelle politique dans ses détails, mais j’espère pouvoir poursuivre mon activité ».
La commission municipale de la gestion urbaine de Pékin fait savoir que les kiosques à journaux de la ville seront mieux situés géographiquement en fonction de la circulation piétonnière, du nombre d’habitants vivant dans les quartiers résidentiels proches et de la demande populaire.
Dans le cadre du plan élaboré par la commission et le bureau municipal du commerce, les kiosques s’apparenteront plus à des magasins de proximité et seront « plus au goût du jour ».
Le plan a été soumis à l’approbation de la municipalité. Un responsable de la commission a déclaré, sous couvert d’anonymat, que le plan stipulait clairement que le nombre de kiosques dans la ville serait basé sur les besoins du public.
« Il n’existe pas de solution facile à la contradiction entre, d’une part, les gens qui adorent lire sur papier et ont l’habitude d’acheter aux kiosques à journaux, et d’autre part, les propriétaires des kiosques qui continuent d’enregistrer des pertes d’exploitation », explique le responsable. « Il est également difficile de décider quel service sera chargé de régler la facture de la modernisation des kiosques ».
Comme beaucoup de gens à Pékin, la commission désire que les rues soient plus larges et plus propres. C’est dans cet esprit qu’à l’été 2017, elle a présenté une règlementation interdisant aux 352 kiosques à journaux au centre-ville des districts de Dongcheng et de Xicheng, de vendre de l’alimentation et des boissons. Trois kiosques ont été fermés pour vente illégale de nourriture.
Depuis, nombreux sont les kiosques à avoir fermé dans ces deux districts parce que leurs recettes provenaient principalement de la vente de produits alimentaires et de boissons, alors que celle de journaux et de magazines n’était pas du tout rentable.
Les kiosques à journaux dans la ville sont au nombre de 1 186 dont 306 – qui ne sont pas dans les deux districts en question – disposent de licences pour la vente de nourriture et de boissons.
La fermeture de kiosques a attiré l’attention du public, de nombreuses personnes, principalement dans la population âgée, étant fermement opposées à l’intervention de l’administration car la fréquentation de ces kiosques leur a laissé d’heureux souvenirs.
Certains ont lancé l’idée de mettre en service des distributeurs automatiques de journaux, qui sont propres et pratiques, mais l’opérateur postal China Post Group refuse de les financer car il prétend qu’ils seraient trop coûteux à installer et non rentables, selon un spécialiste du secteur qui n’a pas souhaité donner son nom.
Des magazines en vente dans les magasins 7-Eleven (magasins de proximité ouverts de 7 heures à 23 heures). [Feng Yongbin/China Daily] |
Le responsable parlant au nom de la commission précise : « La nouvelle politique prend en compte tous les aspects et vise à résoudre les problèmes. Nous plaçons l’intérêt du public au premier plan. La ville ne laissera pas opérer un kiosque à journaux pour seulement quelques clients. En revanche, nous n’éliminerons pas un kiosque qui fait un bon chiffre d’affaires. Tout dépend du marché et des besoins ».
En général, les kiosques à journaux seront plus proches de leurs clients après avoir été déplacés vers les quartiers résidentiels ou intégrés aux magasins de proximité. La municipalité va entreprendre de rendre les kiosques restants plus attrayants, indique le responsable de la commission.
S’ils sont aujourd’hui confrontés à des difficultés, les kiosques à journaux ont connu de beaux jours.
Yang Na, une quinquagénaire originaire de la province du Hebei, a commencé à exploiter un kiosque à Pékin en 1998. En 2002, elle a acheté son premier appartement dans la capitale pour 400 000 yuan (51 000 euros), une somme qu’elle avait gagnée grâce à la seule vente de journaux et de magazines.
Avant l’accessibilité largement répandue de l’Internet, et du fait que Pékin est le centre culturel et politique du pays, la plupart des gens affectionnaient la consultation des informations dans les journaux et les bulletins télévisés.
En 1997, la municipalité pékinoise adopta un projet d’installation de kiosques à journaux au niveau de la ville et en approuva 75 cette année-là. En 1999, la ville entama une installation à grande échelle. Deux ans plus tard, les autorités décidèrent de réglementer les kiosques dans le cadre d’une planification globale et d’une filière de gestion des approvisionnements. L’année record fut 2008, qui vit la ville compter 2 500 kiosques, soit plus de deux fois le nombre actuel.
À cette époque, Mme Yang ne vendait dans son kiosque que des journaux et des magazines. Son bénéfice mensuel était d’environ 7 000 yuan. Dix ans après, elle fait presque le même montant mais avec l’appoint des ventes de nourriture et de boissons. « Je regrette l’époque de 2007 où je vendais chaque jour plusieurs cartons de magazines de mode », dit-elle.
Il y a 12 ans, le 9 janvier, le premier iPhone est arrivé sur le marché et depuis lors, les smartphones et l’Internet mobile ont rapidement modifié les modes de lecture des gens dans le monde entier.
Mme Yang avoue : « À partir de 2009, les affaires ont commencé à péricliter et elles n’ont jamais repris ». Pendant un entretien d’une heure avec elle à son kiosque, sept clients sont venus pour acheter des boissons, quatre pour des cigarettes et un seul pour un journal.
L’homme qui a acheté le journal avait un avis partagé : « Il est très pratique d’avoir des kiosque à journaux. J’espère que les autorités les conserveront. Pour ce qui est de l’alimentation et des boissons, cela m’indiffère. S’il faut les interdire pour des raisons de sécurité, cela me va ».
L’un des acheteurs de cigarettes a dit qu’il n’avait pas acheté de journaux ou de magazines à ce kiosque depuis des années, en ajoutant : « Pour moi, c’est juste un kiosque à cigarettes ».
Un kiosque à journaux à Pékin. [Wang Jing/China Daily] |