Des femmes du village de Baoji dans le comté de Xihe, province du Gansu, brodant pendant leur temps libre pour couvrir quelques dépenses familiales. [Photo Provided to China Daily] |
« Je vous en prie, Dame Qiao, revenez sur Terre ce jour. Enseignez-moi la broderie et la couture… de la sagesse, de la joie et de l’ingéniosité, faites-moi la grâce ».
Dans le comté de Xihe à Longnan, dans la province du Gansu, ce refrain est très connu des femmes. Xihe est l’un des 189 comtés de Chine déclarés comme zones de pauvreté, à l’intérieur desquelles 233 villages sur un total de 384 sont dans une misère profonde.
Le comté de Xihe se situe dans le cours supérieur de la rivière Jialing, au sud de la partie occidentale des montagnes Qinling ; si ses racines résident dans l’agriculture, il est aussi connu pour la beauté de ses paysages.
Depuis des siècles, les femmes y sont expertes dans le maniement des aiguilles. La légende veut qu’elles aient été formées par nulle autre que Dame Qiao, également connue comme « la tisserande » et qui était paraît-il la plus jeune des filles de la Reine-Mère du folklore chinois.
On dit que Dame Qiao (qiao signifie ingéniosité) était non seulement pourvue de charmes mais aussi de noble vertu et qu’elle brodait merveilleusement.
De sorte que les filles et les jeunes femmes locales la vénèrent, et la semaine menant au septième jour du septième mois, selon le calendrier lunaire chinois, elles se livrent à des célébrations en chantant, dansant et priant conformément à une tradition nommée qiqiao (le fait de demander de l’ingéniosité) qui remonte à une période antérieure à la dynastie Qin (221-206 avant notre ère).
Aujourd’hui, ces jeunes femmes tirent parti de leur sagesse et de leur ingéniosité pour se doter des moyens de monter leurs propres marques de broderie, améliorant de ce fait leur existence et contribuant à extraire leur comté de la pauvreté.
Les éventails en soie, faits main et brodés de Xihe sont des objets de collection recherchés pour l’éclat de leurs motifs et le raffinement de leurs mailles. [Photo Provided to China Daily] |
Zhang Qin, une brodeuse respectée de 43 ans vivant à Daliu, un village du comté, a fondé l’association locale de broderie, Qiqiao Workshop (l’atelier Qiqiao) ; elle explique : « Les femmes autour d’ici sont de bonnes couturières, et c’est ce à quoi je m’intéresse en particulier. Quand j’étais gosse, j’aimais observer les femmes coudre et apprendre en les regardant ».
Elle s’est fait son premier « pot d’or » à l’âge de 8 ans, dit-elle. « J’ai cousu 10 taies d’oreiller et les ai vendues 4 yuan (53 centimes d’euro). À l’époque, ma famille était trop pauvre, même pour m’acheter de nouveaux vêtements, alors j’ai acheté un grand morceau de tissu rouge avec l’argent et me suis fait une sous-veste ».
Progressivement, Mme Zhang acquit une réputation due au raffinement de son travail et les femmes du village allaient souvent la voir pour des conseils. En 2008, ses travaux furent sélectionnés pour être mis en vente dans des expositions, la première étant le festival culturel Xihe Qiqiao, et ils eurent beaucoup de succès auprès des touristes.
Bientôt elle commença à prendre des commandes puis recruta des personnes du coin pour les faire travailler avec elle. « Comme ma vie s’améliore, je désire aider les autres à se faire une meilleure vie pour elles-mêmes par la broderie », explique Mme Zhang.
En 2015, avec l’aide de sa famille, elle fit bâtir une maison destinée à devenir un lieu de travail et l’appela le Qiqiao Workshop.
Au départ, elle recruta une douzaine de membres. Depuis lors, le nombre n’a cessé de croître, l’atelier s’étant développé pour donner naissance à une influente organisation de broderie, la Qiqiao Workshop Association.
En fin d’année dernière, l’association comptait 179 femmes membres, dont 30 étaient enregistrées comme appartenant à des foyers frappés par la pauvreté. Son chiffre d’affaires a atteint un million de yuan l’an dernier et ses membres ont gagné en moyenne 4 000 yuan.
Les membres poursuivent par ailleurs leurs autres tâches, à savoir l’agriculture, la cuisine, le soin des enfants et les travaux ménagers. Elles ne prennent les épingles et les aiguilles que pendant leur temps libre.
« Outre leur capacité d’augmenter leurs revenus, ce qu’il faut noter c’est que les femmes ont enfin leur mot à dire dans les décisions familiales désormais », souligne Mme Zhang. « Auparavant, elles ressentaient le besoin de demander l’avis de leur mari si elles voulaient acheter ne serait-ce qu’un pull à 10 yuan. Mais aujourd’hui, elles se sentent libres de faire leurs propres choix ».