Xi Jinping, secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois, président du pays et président de la Commission militaire centrale, en visite à Pékin le 4 mars auprès de conseillers politiques dans les secteurs de la culture, des arts et des sciences sociales participant à la deuxième session du 13ème Comité national de la Conférence consultative politique du Peuple chinois. [Yao Dawei/Xinhua] |
Les objectifs de croissance du PIB chinois et les mesures de relance détaillés dans un rapport du Premier ministre attestent la détermination du gouvernement, selon plusieurs analystes.
Le rapport d’activité gouvernemental rendu public par le Premier ministre chinois Li Keqiang répond aux préoccupations internationales concernant l’économie chinoise et contient des mesures de nature à faire retomber les tensions commerciales actuelles, estiment plusieurs experts.
Présenté le 5 mars à Pékin lors de la session annuelle de l’Assemblée populaire nationale, l’organe législatif suprême du pays, le rapport établit comme objectif de croissance du produit intérieur brut (PIB) un taux de 6 à 6,5% par rapport à « environ 6,5% » l’an dernier. Il comprend également des annonces relatives à l’ouverture de l’économie chinoise aux sociétés étrangères et des mesures visant à relancer l’économie, telles que des allègements fiscaux, en particulier pour les petites entreprises, et d’importants crédits supplémentaires en faveur des collectivités locales pour financer de nouveaux projets d’infrastructures.
Pour Louis Kuijs, directeur à Hong Kong du secteur Asie du cabinet-conseil économique Oxford Economics, la progression du PIB visée est la preuve que le gouvernement reste déterminé à réaliser son objectif de parvenir à « une société modérément prospère », à temps pour le centenaire en 2021 de la fondation du Parti communiste chinois. À cette fin, il lui faut une croissance d’au moins 6,2% chacune des deux prochaines années pour multiplier par deux le PIB 2010 par habitant.
« Il [le rapport] indique que la croissance reste un objectif économique clé et retient notre attention sur le fait que le gouvernement n’a pas oublié son but principal », souligne M. Kuijs.
Bien que le nouvel objectif soit en dessous des 6,6% réalisés l’an dernier – le taux de croissance le plus faible depuis 28 ans –, ce n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour l’économie mondiale.
Suan Teck Kin, responsable du secteur économie mondiale et études de marché au sein du groupe United Overseas Bank de Singapour, estime que la Chine représente aujourd’hui une économie beaucoup plus importante que du temps où elle affichait un taux de croissance à deux chiffres. « Si l’on a l’expérience d’observer étroitement la Chine, il n’y a pas lieu de s’alarmer du ralentissement de la croissance, car la taille de l’économie chinoise a augmenté. Ce qui signifie qu’un point de croissance aujourd’hui aura beaucoup plus d’impact qu’il y a 10 ou 20 ans compte tenu de la taille beaucoup plus grande de la base ».
Zhu Ning, professeur de finance à l’université Tsinghua, pense qu’en fixant un objectif situé dans une fourchette plutôt que chiffré de manière précise, le gouvernement signifie peut-être son intention d’abandonner les objectifs de croissance à l’avenir. « Ce pourrait être le début de la fin pour les objectifs de croissance, ce qui à mon avis serait une bonne chose. Une fois atteinte la cible fixée pour le centenaire, il est possible que le gouvernement passe des objectifs aux prévisions sur le modèle des autres grandes économies ».
Alicia Garcia-Herrero, associée principale au sein du centre de réflexion économique Bruegel basé à Bruxelles, remarque que la réaction négative à l’abaissement de l’objectif de croissance s’est manifestée sur les marchés boursiers chinois et non internationaux. « Ce sont les investisseurs chinois qui ont besoin de s’habituer à une croissance plus faible, l’essentiel de la chute s’étant produit à la bourse chinoise, qui est dominée par les investisseurs chinois. C’est plus sain pour la Chine ».
Le Premier ministre concède dans le rapport d’activité gouvernemental que le conflit économique et commercial entre la Chine et les États-Unis a eu un effet négatif sur l’économie, mais il a annoncé plusieurs mesures susceptibles d’atténuer les tensions.
M. Li s’est engagé à assouplir les contrôles concernant l’accès des sociétés étrangères au marché et à raccourcir la liste négative des secteurs dans lesquels les firmes étrangères ne peuvent opérer, tandis qu’il a dit son intention d’autoriser des entreprises entièrement sous contrôle étranger à opérer dans plusieurs secteurs dont elles sont actuellement exclues.
« Ce sont d’excellents signaux », commente Gary Hufbauer, associé principal et expert commercial au Peterson Institute for International Economics à Washington. « Beaucoup d’Américains sont sceptiques… mais avec la mise en œuvre des nouvelles mesures, on rencontrera davantage de soutien aux États-Unis ».
Jon Taylor, professeur de science politique à l’université St. Thomas de Houston au Texas, estime lui aussi qu’en promettant de traiter les entreprises chinoises et étrangères sur un pied d’égalité, la Chine envoie un signal positif.
« Cela peut non seulement agir comme un mécanisme permettant de désamorcer les plaintes tant de la part des Américains que des Européens à l’encontre de la Chine, ainsi que l’injustice dont ils prétendent que sont victimes les entreprises étrangères, mais [aussi] potentiellement favoriser le début d’une accalmie des eaux agitées des relations actuelles entre la Chine et les États-Unis », suggère le Professeur Taylor.
Douglais H. Paal, vice-président du programme Asie au sein de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, se félicite de ces signaux qui, toutefois, « se vérifieront dans leur mise en œuvre sur la durée ». S’ils sont correctement mis en œuvre, « ils dissiperont une partie du mécontentement à l’égard des restrictions chinoises et de la liberté relative dont jouit la Chine sur d’autres marchés, ce qui conduira à une meilleure égalité des conditions de jeu ».
George Manus, chercheur associé au China Centre de l’université d’Oxford et auteur du livre Red Flags, pense que l’ensemble des mesures contenues dans le rapport sont susceptibles de redonner un élan à court terme à l’économie chinoise et d’amortir son ralentissement, mais qu’il reste encore des défis économiques à relever.
« L’économie ne devrait pas tarder à se stabiliser – et peut-être largement dans les temps pour le 70ème anniversaire [de la fondation de la Chine nouvelle] en octobre – mais tout cela est une question de réglage », assure-t-il. « Le problème à moyen terme ne dépend pas de mesures contra-cycliques mais de moteurs de croissance fondamentaux ».
Yang Han, Zhao Huanxin, Han Baoyi et Chen Weihua ont contribute à la réalisation de cet article.