Deux membres du personnel du Parc des ruines de Yuanmingyuan comparant, le 10 mai, des morceaux de porcelaine brisée en vue d’une restauration. [Zou Hong/China Daily] |
Le sol d’un bureau du Parc des ruines de Yuanmingyuan est couvert de morceaux de porcelaine brisée tous alignés. La scène n’est pas une installation d’art contemporain ; bien plutôt, les morceaux classés attendent que les restaurateurs du patrimoine culturel leur trouvent le complément perdu depuis longtemps.
Yuanmingyuan, nom de l’ancien Palais d’été qui avait été le lieu de villégiature impérial de la dynastie Qing (1644-1911) initialement bâti en 1707 dans la partie nord-ouest de Pékin, était une merveille culturelle. On le désigne souvent comme « le jardin des jardins » en raison de ses paysages luxuriants et du grand nombre de temples, de palais et de pavillons qu’il abritait. Il s’étendait sur 350 hectares, soit environ cinq fois la superficie de la Cité interdite.
Après avoir été rasé par les forces anglo-françaises qui avaient envahi le pays en 1860, il avait été pendant des années continuellement pillé par des bandits jusqu’à ce qu’il n’en reste finalement rien que des ruines.
Li Xiangyang, directeur adjoint de l’administration qui veille sur le parc des ruines, estime à environ 100 000 le nombre de morceaux de porcelaine brisée qui ont été rassemblés depuis 1988, année où le parc a été créé pour mieux protéger le site.
« Les morceaux brisés témoignent des vicissitudes d’une période sombre de notre histoire. L’année 1860 a laissé à tout jamais une cicatrice profonde sur Yuanmingyuan. Avec le 70ème anniversaire de la fondation de la Chine nouvelle, nous pouvons apporter une contribution en écho à la revitalisation nationale ».
Le parc a récemment mis sur pied un programme appelé « restaurer 1860 » pour redonner vie aux objets abîmés. Les vestiges en porcelaine font partie de la première phase d’un plan à long terme.
Chen Hui dirige au sein du département archéologique du parc des ruines une équipe de six personnes affectées au traitement de l’énorme quantité de morceaux brisés et déplore : « C’est dommage que pas même un seul article en porcelaine complet n’ait été mis au jour dans le parc ».
Son équipe a choisi six articles en céramique – un tabouret, un flacon de tabac à priser, deux bols et deux tuiles vernissées – qui seront restaurés en premier en raison de la représentativité de leur style et du raffinement de leurs motifs.
Autre raison de ce choix, précise Mme Chen : les endroits où ces articles ont été sortis de terre étaient bien connus. La restauration viendra en aide aux études historiques pertinentes.
Le tabouret de porcelaine, ou xiudun, était brisé en 130 morceaux, et certains fragments sont encore manquants.
Les pièces restaurées seront numériquement scannées et une base de données des reliques culturelles en images 3-D sera créée.
Une technologie numérique auxiliaire a également été envisagée pour permettre de distinguer les différents morceaux, mais l’équipe de Mme Chen a choisi de se fier à ses propres yeux. « Il y a de nombreux motifs cachés sur les morceaux », dit-elle. « Ils sont fins comme des cheveux mais fournissent des références cruciales. Il n’est pas rare que ces indices échappent à l’objectif des caméras. Mieux vaut s’en remettre à notre expérience ».
La restauration de six objets, qui doit s’achever à la fin du mois de mai, n’est que le début d’un long voyage. « La procédure prend beaucoup de temps », souligne Mme Chen. « On ne peut établir un calendrier du temps qui nous sera nécessaire compte tenu du si grand nombre de morceaux ».
Ces dernières années, 37 reliques culturelles en pierre, dont la perte à Yuanmingyuan avait été confirmée, ont été restituées et sont maintenant exposées au public sur le site. L’administration a également rapatrié de tous les coins de Pékin 80 000 vieilles briques portant la marque de Yuanmingyuan.
« Pendant longtemps après 1860, les choses n’ont cessé de disparaître de Yuanmingyuan », commente M. Li. « Mais ces objets commencent à revenir et à se rassembler ».