Une photo prise par le photographe français Bruno Barbey en 1980 montre une salle de jeunes Chinois pratiquant l'accordéon au Centre des Enfants de Shanghai. [Jiang Dong/China Daily] |
Une nouvelle exposition qui illustre la croissance chinoise durant les quatre dernières décennies capturée par un photographe français Bruno Barbey s'ouvre à Pékin.
À quel point serait-il surprenant de découvrir qu'un cliché de souvenir précieux de l'enfance a été conservé durant quatre décennies par un inconnu dans l'autre côté du globe ?
Il y a un an, Li Zhao, une femme de Shanghai qui est à New York et à Miami aux Etats-Unis, a repéré elle-même dans une photo prise par le photographe français Bruno Barbey en 1980. L'image montre une salle de jeunes pratiquants de l'accordéon avec diligence au Centre des Enfants de Shanghai, et Li Zhao a reconnu immédiatement la fille qui était en haut dans le coin à gauche.
Barbey se souvient comment Li Zhao a fait pour lui envoyer la photo par un courrier électronique, en demandant si elle pourrait avoir une copie imprimée.
« Je lui ai répondu oui, mais à condition qu'elle m'envoie une photo récente d'elle-même ».
Alors Li était d’accord pour envoyer sa photo comme elle était à la fête à Palm Beach en 2016.
Barbey a rangé les deux photos côte à côte dans son livre intitulé « Color of China » (La couleur de la Chine), une collection de photos que le photographe parisien a pris en Chine entre le début des années 1970s et l'année 2018. Publié en avril dernier, l'ouvrage en langue chinoise est un portrait qui reflète l'évolution du développement du pays au cours des quatre dernières décennies, exposant à la fois une grande valeur historique et une perspective personnelle de la Chine.
Une photo de Barbey montrant un homme assis sur un pied de la statue monumentale du Grand Bouddha de Leshan dans la province du Sichuan. [Photo fournie à China Daily] |
L'image qui a saisi le moment de l'enfance de Li Zhao illustrée par « Color of China » est exposée lors du salon homonyme en solo de Barbey, lequel se déroule au musée national des beaux-arts de Chine jusqu'au 28 juillet.
Le salon et la publication du livre coïncident avec le 70ème anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, qui sera officiellement célébré le 1er octobre, le jour de la fête nationale en Chine.
Barbey est parmi les sept membres de l'Académie française des beaux-arts, l'une des cinq académies de l'Institut de France, dont les œuvres ont été mises en exposition au musée de pékin cette année. Ces expositions marquent le 55ème anniversaire de l'établissement officiel des relations diplomatiques entre la Chine et la France.
Dans une section du salon, des photos interprétant les paysages des villes modernes chinoises en pleine urbanisation sont projetées sur un grand écran. Une autre partie affiche les images en couleur que Barbey a capturée lors de ses deux visites en Chine en 1973 et en 1980, y compris la photo de la classe d'accordéon de Li Zhao, laquelle évoque un sentiment de la nostalgie des visiteurs. Ces photos font partie d'une donation d'environ 70 images au musée par Barbey.
Il est venu pour sa première fois en Chine en tant qu’un membre d'une délégation française conduite par Georges Pompidou qui était président français de 1969 jusqu'à son décès en 1974. L'accompagnement de la délégation française lui a permis de prolonger son visa et rester en Chine pour deux semaines supplémentaires – ce qu'il considérait comme « très chanceux » étant donné que le voyage dans le pays était relativement restreint aux touristes occidentaux à l'époque, a déclaré Barbey au China Daily.
Il est retourné en Chine en 1980, cette fois-ci avec son épouse Caroline. Le couple a parcouru le pays, tout en consacrant plus de cinq semaines à photographier et filmer les villes de Pékin, Shanghai, la province du Sichuan et la région autonome Zhuang du Guangxi.
Avant de mettre les pieds en Chine, l'impression de Barbey du pays reposait en grande partie sur les photos de ses fameux prédécesseurs à l'agence reconnue de la photographie internationale Magnum Photos, tels que Henri Cartier-Bresson, Robert Capa et Marc Riboud.
« Dans les années 1970 et 1980, la majorité des photos sur la Chine étaient noire et blanc. Très peu de grands photographes français venus en Chine, et il n'avait pas beaucoup d'œuvres filmées en couleur dans les années 1970 », explique Barbey.
Photo de bateaux avec des voiles allongées naviguant sur le fleuve Yangsté. [Photo fournie à China Daily] |
Grâce aux pellicules Kodachrome, les images de Barbey ont capturé les moments historiques et colorés d'un pays en évolution.
Barbey, aujourd'hui âgé de 78 ans, raconte qu'il a vu l'ancien premier ministre chinois Zhou Enlai à de multiples reprises (au cours de sa visite en Chine en 1973). « Le voyage du président français Georges Pompidou a duré cinq ou six jours, et M. Zhou est resté avec la délégation tous les jours pour des raisons de protocole ».
Il se souvient quand M. Pompidou s'est rendu à Pékin, à Shanghai ou à Datong dans la province du Shanxi, où le Président français est allé visiter des sites archéologiques, il voyait M. Zhou tous les jours.
« M. Zhou est un personnage spécial pour le peuple français. Il a vécu des années en France lors de sa jeunesse, parmi la génération d'étudiants chinois qui sont venus en Hexagone dans le cadre d'un programme d'études-travail ».
Il se souvient d'avoir demandé à l'interprète de M. Zhou, une dame d'une cinquantaine d'années, combien d'interprètes français de son niveau étaient en Chine – et elle lui a répondu « environ onze ». Lorsqu'il est allé à Shanghai, on lui a dit qu'il y avait seulement trois Français dans la ville.
L'une des photos les plus emblématiques que Barbey a pris lors de sa visite en 1973 est un portrait de M. Zhou lors que ce dernier accompagnait M. Pompidou pour une excursion en bateau autour du lac de l'Ouest à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang.
Cette image n'est pas inclue dans l'exposition au musée national des beaux-arts de Chine, mais un portrait d'une autre personnalité chinoise ayant des liens avec la France – une photo de Ba Jin prenant un bain de soleil en 1980 – est exposée. L'écrivain chinois éminent a également étudié en France pendant deux ans à la fin des années 1920.
« Je l'ai rencontré pour peu de temps chez lui. Il parlait toujours de français », relate Barbey.
Une image de rizières à proximité de Leshan dans la province du Sichuan. [Photo fournie à China Daily] |
Les tons doux et la haute définition de l'imagerie de Barbey préservent également les détails vifs de la vie quotidienne du peuple chinois à l'époque où les photos restaient comme une chose de luxe pour beaucoup de Chinois.
Davantage de scènes et de modes de vie ont aujourd'hui disparu dans les métropoles au rythme de vie rapide. Par exemple, une photo de Barbey prise à Nanjing, capitale de la province du Jiangsu, montre des bateaux avec des voiles allongées naviguant sur le fleuve Yangsté, tandis que l'autre image montre des rizières au périphérique de Shanghai lesquelles ont été remplacées de nos jours par des gratte-ciels.
Jean Loh, un conservateur et éditeur photographique, écrit dans l'avant-propos du livre « Color of China » de Barbey : « Pékin, Shanghai, le Sichuan et le Guangxi sont, dans ses yeux, très différents et se distinguent l'un de l'autre... Ses pellicules Kodachrome ont réussi à saisir l'ocre rouge du palais impérial de la Cité interdite et le bleu de l'aube du Bund de Shanghai ».
Après avoir rejoint Magnum en 1964, Barbey a couvert les actualités et développements sociaux aux quatre coins du monde.
« À l'âge d'or du photojournalisme, en tant qu’un photographe de Magnum, il était toujours sur place ; il se tenait juste au carrefour de l'histoire », affirme Wu Weishan, directeur du musée national des beaux-arts de Chine et correspondant de l'Académie française des beaux-arts.
« Il a non seulement documenté le passé de Chine, mais aussi, l'a teinté avec un sens perspicace, il a saisi la transformation d'une civilisation traditionnelle en celle au beau milieu de la modernisation ».